Comment faire l’amour à un nègre sans se fatiguer – Dany Laferrière (1999)

Comment faire l’amour à un nègre sans se fatiguer – Dany Laferrière (1999)

Deux jeunes noirs vivent dans un appartement, ou plutôt, une pièce partagée par un paravent, dans la banlieue de Montréal. Le narrateur travaille sur son premier roman. Son rêve serait de pouvoir un jour le voler dans la librairie où il soutire habituellement ses lectures. Son colocataire, Bouba, ne fait que dormir, lire le Coran et écouter du jazz avec le volume tourné à fond.

Ils aiment philosopher, écouter la musique ensemble et parler de leur condition. Mais s’il y a bien un intérêt qu’ils partagent avant tout, ce sont les femmes ! Et pas n’importe lesquels : les femmes blanches ! Car oui, après tant d’année d’esclavage et de ségrégation, il s’agirait de se rendre justice. Et quoi de mieux que de soutirer aux blancs leurs douces femmes, curieuses de découvrir la fougue et la puissance du sang africain ?

Je ne vais pas vous mentir, si j’avais vu ce titre et cette couverture sans connaître l’auteur, j’aurais crié au racisme. S’il y a peu de choses qui me déplaisent profondément, le racisme – et toute motivation à la haine en général –, en font partie.

Mais fort heureusement, j’avais déjà lu un livre de Dany Laferrière – Journal d’un écrivain en pyjama – et j’étais donc familier avec la plume de ce super auteur, titulaire du second siège de l’Académie française. Quoi de mieux que de lire le premier roman d’un auteur qui vous a parlé des chemins tortueux de l’écriture. Après la théorie, place à l’exemple.

Et j’ai adoré. C’est drôle, c’est cru, le livre est plein de réflexions qui feraient froncer les sourcils à plus d’un. Mais il y a de la vie dans ce roman. On sent la précarité, la mise à l’écart de ces jeunes hommes jetés dans un monde où le racisme n’a que récemment été décrété comme une mauvaise chose. Mais ils n’abandonnent pas. L’un écrit, l’autre philosophie, tout cela sans jamais oublier les plaisirs du corps, comme le sexe, l’alcool et la bonne chère.

Je vous le recommande fortement. Peut-être pas forcément à lire dans les transports publics ou dans un café. Cela risquerait d’être mal compris par ceux qui ne connaissent pas cet auteur. Enfin, à vous de voir.

« Miller dit qu’il n’y a rien de mieux que faire l’amour à midi. Miller a raison. »


Éditions le Serpent à Plume
169 pages