Des larmes invisibles au monde – Anton Tchekhov (1883-1887)

Des larmes invisibles au monde – Anton Tchekhov (1883-1887)

Des larmes invisibles au monde – Anton Tchekhov (1883-1887)
Éditions des Syrtes
212 pages

Un magnétiseur qui manipule des candidats corrompus, des récits de maîtres ennuyés par leurs fortunes, un mari qui réveille sa femme pour faire la fête avec des amis, un jeune homme qui demande avec effronterie la main d’une belle femme, tout cela pour soumettre son beau-père en usant d’un secret compromettant, voici les nouvelles d’un jeune Tchekhov qui ne demandent qu’à être découvertes.

Écrites entre ses 23 et ses 27 ans, ces nouvelles, parfois tragiques, parfois héroïques, toujours trempées dans une belle dose d’humour et d’ironie, nous montrent, avant l’heure, ce dont l’un des trois dits grands écrivains russes était capable à l’aube de son œuvre.

On sait que Tchékhov n’a pas vraiment écrit de romans à part Drame de chasse – d’ailleurs écrit pendant la même période que ces nouvelles (1884) –, et qu’il est plus connu pour ses pièces de théâtre : La Mouette (1896), Oncle Vania (1897) ou encore la Cerisaie (1903), pour en nommer que quelques-unes.

Pourtant, je suis d’avis qu’il faut également prendre le temps de lire les œuvres en prose de l’auteur, qui sont d’une grande qualité.

Ces nouvelles, parfois empreintes d’une certaine maladresse attendrissante, nous montre la Russie telle qu’elle est. Ou plutôt, telle que la voit le jeune Tchekhov. On observe toutes les strates de la société, du riche aristocrate qui s’ennuie, au pauvre qui propose le spectacle de sa propre noyade dans l’espoir de gagner quelques kopeks.

On dit souvent d’ailleurs que Tchekhov décrit la société telle qu’elle est, sans lui porter aucun jugement : je ne suis pas entièrement d’accord. Bien que ses prises de positions soient subtiles, elles sont implicites et inscrites dans la manière dont il construit ses récits. On sent qu’il regrette quelque peu que la puissante aristocratie se désœuvre, tandis que les plus pauvres tentent de gagner leur vie d’une manière indigne qui ne peut que provoquer la pitié. Voici peut-être les larmes invisibles au monde que versent Tchekhov, d’ailleurs caractéristiques du reste de son œuvre.

Des nouvelles drôles qui se lisent sans effort sont annonciatrices d’une plume de talent qui ne nous quittera que trop jeune. Elles sont aussi une belle introduction à la littérature russe, pour ceux qui seraient intimidés par ses gros volumes.


Éditions des Syrtes
212 pages