Épépé – Ferenc Karinthy (1970)

Épépé – Ferenc Karinthy (1970)

Voilà bien un des livres les plus étranges que j’ai eu la chance de lire ces dernières années. C’est une lecture qui vous emprisonne pour vous étonner et qui sans cesse vous échappe. Son sens et sa direction vous échappent sans cesse. Si vous aimez les livres avec plus de questions que de réponses, ce roman vous plaira sans doute.

Budaï est linguiste de profession. Ce jour-là, il quitte les rives du Danube pour se rendre à un congrès à Helsinki. Après un vol dans les bras de Morphée, il se réveille dans un hôtel labyrinthe, situé au milieu d’une ville surpeuplée où personne ne parle sa langue. Ni même d’ailleurs, aucune des langues qu’il connait. Anglais, Français, Espagnol, Chinois, Arabe, Grec, Latin, Allemand, Portugais, Russe, Polonais, Hongrois et des dizaines d’autres, rien n’y fait. La langue locale ne semble avoir aucune attache avec tout ce qu’il a pu entendre jusqu’à présent.

Notre protagoniste décide alors de partir à la recherche d’un chemin de retour. Mais son argent se dépense vite, et chaque nouvelle tentative de récolte d’information ou d’échappée vers l’extérieur se solde par un échec. La ville est trop grande, trop pleine, il se fait sans cesse prendre dans des mouvements de foule. Les autres ne le comprennent pas, même s’ils essayent. Budaï se fera arrêter, il perdra son passeport, il se fera séduire, il se fera mettre à la porte.

Un univers très kafkaïen où rien a du sens. Le pouvoir du langage, à savoir encadrer la réalité par des mots rassurants, a disparu. Privé d’identité, privé de sens, victime des lois de l’inertie d’une ville où il ne peut pas s’exprimer, il est difficile ne pas tirer un parallèle avec ce que pourrait être la vie dans un état profondément communiste, où la vie avance selon un agenda secret, et le citoyen ignorant, obéissant et muet.

Une lecture certes difficile, mais un roman superbe qui interroge son lecteur. Un grand moment de littérature.


Éditions Zulma

285 pages