La vie est ailleurs – Milan Kundera (1973)

La vie est ailleurs – Milan Kundera (1973)

La maman était toute contente d’avoir un fils. Le mari, non. Mais par la force des choses, et notamment celle de son beau-père, il a bien été forcé d’accepter la situation et de remplir le rôle du père de famille. Il est de plus en plus distant, et fini par disparaître un jour, laissant la maman et Jaromil, leur fils, seuls.

Jaromil très tôt, est acclamé pour son talent avec les mots. Très vite, il est convaincu et entraîné dans sa vocation de poète. Il écrit des vers et se construit gentiment une petite notoriété. Ses poèmes l’aideront à séduire et à se faire une place dans le monde. Il sera aux premiers rangs de la révolution communiste à Prague lors de l’après-guerre.

Mais ce roman n’est pas, ou en tout cas, pas uniquement un roman qui dénonce le communisme et ses dérives radicales.

La vie est ailleurs vous mène dans le même voyage que les autres livres de Kundera. On commence par une histoire normale et bien ficelée, et petit à petit, la vraisemblance prend congé de nous. On se retrouve avec un roman ou le sens devient flou, où les rôles de chacun ne sont plus si clairs et définis. Comme dans un rêve, les images perdent leur netteté et la vérité unique nous échappe. Mais qu’est-ce vraiment que la vérité ? Les choses, au final, ne sont jamais ce qu’elles semblent être.

Célébrant la pluralité et le dualisme au détriment du monisme, qu’il me paraît refuser avec chacune de ses phrases, Kundera nous livre ici encore un roman absolument hors du commun, qui comporte plus de niveaux de complexité qu’une lecture passive pourrait nous révéler. Du génie littéraire, tout simplement.

Seul le vrai poète sait comme il fait triste dans la maison de miroirs de la poésie. Derrière la vitre, c'est le crépitement lointain de la fusillade, et le cœur brûle de partir. Lermontov boutonne son uniforme militaire ; Byron pose un pistolet dans le tiroir de sa table de nuit ; Wolker défile dans ses vers avec la foule ; Halas rime ses insultes ; Maïakovski piétine la gorge de sa chanson. Une magnifique bataille fait rage dans les miroirs.
Mais attention ! Dès que les poètes franchissent par erreur les limites de la maison de miroirs, ils trouvent la mort, car ils ne savent pas tirer, et s'ils tirent, ils n'atteignent que leur propre tête.

Éditions Folio
465 pages