L’alcool et la nostalgie – Mathias Énard (2011)

L’alcool et la nostalgie – Mathias Énard (2011)

L’alcool et la nostalgie, c’est l’adaptation d’une fiction radiophonique diffusée dans le transsibérien entre Moscou et Novossibirsk, diffusée par France Culture en 2010. Dans ce court récit, Mathias Énard l’adapte en une courte nouvelle dont l’impact est totalement disproportionné par rapport au nombre de pages.

Mathias aime Jeanne. Ils vivent tous les deux dans leur appartement du 18ème. Simplement, pauvres et heureux. Mais Jeanne est attirée par les grandes steppes de la Russie, et veut absolument partir étudier à Moscou. Mathias, écrivain débutant, n’arrive pas à mettre de mots sur une page, malgré toutes les substances qu’il décide d’avaler. Il a de la peine à laisser Jeanne partir. De se retrouver seul devant sa page.

Tout se complique quand Jeanne rencontre Vladimir. S’ensuit un triangle amoureux qui ne semble déranger personne, ou du moins, pas de suite. Tous les trois semblent s’entendre à merveille : Vlad fait découvrir la sainte ville à Mathias, tous trois partagent des repas légendaires arrosés de vodka. Jusqu’à ce que Vlad meure. Nous en ignorons la raison, mais il n’est pas difficile d’imaginer que ce déchirement latent lui était devenu insupportable.

C’est une histoire d’amour pas comme les autres, l’histoire d’un pèlerinage fatal vers un ami disparu, un éloge de la grandeur russe, une mise en garde contre sa beauté et ses dangers. À lire pour tous les russophiles et amateurs de belle prose.

« Nous rêvions d’une toute autre mort, je sais, nous rêvions d’une toute autre mort, nous qui n’avons connu ni la révolution, ni la guerre, nous rêvions d’un sacrifice, d’une noblesse, d’un courage et peut-être as-tu eu cette noblesse et ce courage, comme Tarass Boulba qui s’enquiert en mourant du sort de ses cosaques, tu as eu une pensée pour moi, pour Jeanne, pour le monde, pour l’infini tournoiement du monde, pour l’oubli qui ronge tous les noms et toutes les pages, et tu es parti vers le néant. » p.78


Éditions Babel
88 pages