Le principe – Jérôme Ferrari (2015)

Le principe – Jérôme Ferrari (2015)

J’ai redécouvert, en lisant « Le principe », le même plaisir de la langue et des mots que j’avais rencontrés lors de ma première lecture d’un livre de Ferrari : « Où j’ai laissé mon âme ». C’est presque un ton moqueur qu’utilise l’auteur. Il prend la position d’un personnage externe – ici, un étudiant en physique qui passe ses examens plusieurs décennies après les faits – et l’utilise pour conter sa propre histoire au personnage principal.

Werner Heisenberg, fondateur de la mécanique quantique et inventeur du principe d’incertitude, voit vite que l’Allemagne nazie veut exploiter ses physiciens pour la création d’armes redoutable, et notamment, une bombe plus terrible que tout, qui tirerait sa force de fission nucléaire. Doit-il partir et abandonner les instituts scientifiques aux délires de dangereux fanatiques, ou doit-il rester et faire en sorte de retarder les recherches du mieux qu’il peut ?

Dans ce roman, les physiciens ont péché. Et c’est un péché bien trop grand pour eux, bien trop grand pour tout homme. D’une science de la matière est née une force abominable qui ne peut que détruire. D’une suite de formule complexe, la mort elle-même a été invoquée, et lâchée sur le monde sans bride. La tâche de Werner Heisenberg est immense. Pour reprendre la formule de Camus, il ne s’agissait pas, pour ces physiciens, de refaire le monde, car c’était impossible. Mais la tâche qui fut incombée à Heisenberg était peut-être plus grande encore : celle d’empêcher que le monde, à l’heure la plus sombre de la nuit, ne se défasse.

Un roman puissant, qui nous raconte les périples d’un physicien coincé dans les conflits de son temps, qui doit se battre pour que son art ne se transforme pas en puissance destructrice. Que serait devenu notre monde si l’Allemagne avait, à cette époque, mis la main sur la bombe nucléaire ? À lire.

Vous pensiez qu’une cause qui n’est défendue que par la violence, le mensonge et la calomnie fait ainsi l’aveu de sa propre faiblesse, et vous aviez raison – mais vous n’imaginiez pas le pouvoir de la faiblesse, de l’humiliation, du ressentiment et des peurs abjectes.

Éditions Babel
161 pages