Le vieil incendie – Elisa Shua Dusapin (2023)

Le vieil incendie – Elisa Shua Dusapin (2023)

Voilà quinze qu’Agathe était partie de chez elle. À la mort de son père, elle doit rejoindre sa sœur pour vider leur ancienne maison dans le Périgord. Sa sœur Vera est aphasique. Depuis très jeune, elle est contrainte au silence. Elle échange avec sa Agathe par signe, ou par écrit. Ensemble, elles ont neuf jours pour faire de l’ordre dans leur héritage matériel et familial.

Agathe se sent comme une étrangère dans la maison de son enfance. Elle constate l’amoncellement de souvenir qui déborde des placards. Tout lui semble à la fois familier et étranger. Même sa sœur, qu’elle a défendu de toutes ses forces jusqu’à ses 15 ans, n’est plus la même personne. Bien loin d’être la jeune fille sans défense qu’elle a connue, Vera s’est occupée de son père jusqu’à sa mort. Elle est devenue une fine cuisinière, une femme pleine d’espoir qui a appris à naviguer une vie silencieuse.

Agathe ne saisit pas tout à fait la nature de ses sentiments. Elle peine à faire face au malaise qui s’empare d’elle lorsqu’elle refait face à sa famille et ses souvenirs, ou à ce qu’il en reste. Elle n’a pas été présente pour eux, elle a fui ses origines pour se lancer corps et âme dans sa carrière, sa passion, sa propre vie.

C’est le roman d’un amour difficile et confus qui pose beaucoup de questions. Pourquoi Agathe est-elle partie si jeune ? Qu’est-il arrivé à sa mère ? Comment une famille se décompose, et est-ce possible de réparer les choses ?

On pourrait s’étonner d’être face à tant de questions sans réponse, mais il ne faut pas oublier que c’est aussi cela, la vie. Un ensemble d’évènements qui n’ont pas toujours de sens défini. Des éléments qui questionnent souvent plus qu’ils ne répondent.

Un roman ou la douceur d’un amour inconditionnel côtoie la violence d’une rupture imposée par le silence. C’est à la fois une lecture agréable et une prouesse de style.

Ce souvenir, Véra l'a-t-elle perdu ? L'ai-je inventé ? Pour moi, il est si lumineux. Mais s'il faut le porter seule, je préférerais l'oublier.

Éditions ZOE
140 pages