😂 (L’homme qui pleure de rire) – Frédéric Beigbeder (2020)

😂 (L’homme qui pleure de rire) – Frédéric Beigbeder (2020)

Voici le dernier livre qui clôt la trilogie d’Octave Parango. Dans cet ouvrage dense et audacieux, Frédéric Beigbeder dénonce l’humour qui a envahi les places publiques et qui est devenu partie intégrante de notre quotidien, tant dans les moments drôles que sérieux, appropriés, ou non.

Rabelais disait « pour ce que rire est le propre de l’homme ». Dans le Nom de la Rose des moines cache un supposé deuxième livre de la Poétique d’Aristote qui fait l’éloge du rire, sous prétexte que le rire déforme le visage de l’homme et lui fait ressembler au Diable.

Rire ou sérieux, comique et agelaste, les deux sont nécessaires, il s’agit de trouver une mesure. Or aujourd’hui, même dans la politique, le comique a envahi la scène. Coluche n’avait-il pas atteint jusqu’à 38% de popularité aux derniers sondages avant qu’on lui demande gentiment de retirer sa candidature ? Que faire de Trump, l’ancien animateur d’émission télé : n’est pas aussi une vaste plaisanterie que de l’avoir à la tête d’une des premières puissances mondiales ? Avec les réseaux sociaux, la célébrité n’a jamais été plus facile à atteindre. Et de fait, tout le monde peut construire un public et lui raconter n’importe quoi. Cette célébrité de tous masque la sienne, lui hôte sa part de rareté et d’exception.

Sur ces méditations, Oscar Parango se balade dans Paris, en spectateur du désordre semé par les gilets jaunes, qui brûlent des voitures et se battent contre les CRS. Il doit écrire une chronique pour huit heures cinquante-cinq le lendemain, mais il n’y arrive pas. Il ne veut pas. Il a d’abord été patron dans la publicité, requin de la mode, et il finit par être humoriste à la radio, avec un salaire à peine plus élevé que le SMIC.

Épave d’une époque révolue, Oscar n’a plus de repère et se dope à la kétamine pour ne plus sentir sa douleur et son désarroi. Un livre qui mêle rire et sérieux, tragique et humour avec un dosage de maître. Une critique décalée de notre société abîmée.


Éditions Grasset
317 pages