Tropique du Cancer – Henry Miller (1934)

Tropique du Cancer – Henry Miller (1934)

Le décor se situe dans le Paris de l’entre-guerre. Henry Miller est sans le sou. Balzac le disait bien : « Le flâneur parisien est aussi souvent un homme au désespoir qu’un oisif. » C’est bien le cas de Henry Miller. Les poches vides et son bagage riche que de son talent pour le maniement mots, il ne sait jamais d’où viendra son prochain repas. Il trouve des petits boulots par ci par là, se débrouille pour se faire inviter à dîner chez des amis, profite de crédits fictifs dans des restaurants. Ce qui m’étonne, c’est qu’il ne semble pas du tout malheureux. Désespéré, parfois, abattu, jamais. C’est un personnage désespérément heureux.

On ne saurait parler de Henry Miller sans mentionner le fait que la plupart de ses livres aient été interdits dans beaucoup de pays dès leur sortie. Tropique du Cancer en fait partie. La langue est crue, le sexe est omniprésent. Il ne fait pas d’effort pour habiller les choses, au contraire, il met à nu tous les travers dont il est témoins. Il confronte le lecteur à la brutalité du désir et de l’amour.

Beaucoup, me semble-t-il, auront de la peine à se laisser porter par cette plume, qui, au premier abord, semblera grasse, vulgaire, abjecte, inappropriée, blasphématoire. Je pense qu’il est nécessaire de lâcher prise et de se laisser porter. Il faut lire quelques dizaines de pages, et, avant de vous en rendre compte, vous serez séduits, hypnotisés, par une poésie qui transparaît uniquement à ceux qui ont la patience de bien regarder.

Une lecture enrichissante, un style unique, que je ne pourrais que recommander à tous les fans de littérature américaine et de littérature brute. Un écrivain qui prend la plume pour parler de choses qui nous touchent tous, mais que peu d’entre nous auraient le courage d’aborder.

Je suis un homme libre, et j'ai besoin de ma liberté. J'ai besoin d'être seul. J'ai besoin de méditer ma honte et mon désespoir dans la retraite ; j'ai besoin du soleil et du pavé des rues, sans compagnons, sans conversation, face à face avec moi-même, avec la musique de mon coeur pour toute compagnie... que voulez-vous de moi ? Quand j'ai quelque chose à dire je l'imprime. Quand j'ai quelque chose à donner, je le donne. Votre curiosité qui fourre son nez partout me fait lever le coeur. Vos compliments m'humilient. Votre thé m'empoisonne. Je ne dois rien à personne. Je veux être responsable devant dieu seul... s'il existe!

Penguin Modern Classics
256 pages